«
Le beau dolmen de la Roche-aux-fées est situé dans
la commune d’Essé (Ille-et-Vilaine), derrière un fossé, au coin
d’un champ. Ce dolmen, extrêmement curieux, parfaitement conservé,
a été classé au nombre des monuments historiques de l’État. Il
devait avoir jadis pour cadre une immense forêt recouvrant toute la
contrée.
C’est
une allée couverte de plus de 18 mètres de long, sur 2 mètres de
haut, composé de 43 blocs de schiste superposés. Elle est divisée
en deux pièces dont l’une sert pour ainsi dire d’antichambre à
l’autre. Celle du fond est plus large, et plus élevée, plus
spacieuse et a une ouverture qui permet d’entrer et de sortir sans
être obligé de passer par le compartiment qui la précède.
Plusieurs
pierres semblent suspendues dans l’espace, car les informes piliers
qui les supportent se terminent quelquefois en pointe. On ne comprend
pas comment de pareilles masses (6 mètres de long) peuvent demeurer
en équilibre sur des appuis chancelants, à peine enfoncés en
terre, et qui ne tiennent debout assurément que par l’énorme
poids qu’ils soutiennent.
Un
jour que j’étais assis au pied de ce monument des premiers âges,
remontant en imagination les siècles qui se sont écoulés depuis
son érection, et songeant aux cérémonies dont il a dû être le
témoin, je fus tout à coup tiré de ma rêverie par un petit paysan
qui s’en vint tourner autour de moi en me regardant d’un air
curieux.
— Comment
t’appelles-tu ? lui demandai-je.
— Jean-Marie
Bosse, me répondit-il.
— Que
fais-tu là ?
— Je
garde mes vaches.
— Sais-tu
qui a apporté ces grosses pierres dans le coin de ce champ ?
— Mais
comment faisaient-elles ?
— Dame !
elles en apportaient chacune trois à la fois, une sous chaque bras
et une troisième sur la tête. Si l’une de ces pierres venait à
leur échapper, c’était fini, le diable les empêchait de la
relever. L’infortunée fée à laquelle était arrivé ce malheur
devait recommencer le voyage.
Et
en effet on rencontre dans les champs voisins, éparses çà et là,
des pierres gigantesques couchées par terre et qui sont étrangères
aux roches de ces champs. »
Extrait de La Fée des Houx des Contes du Pays Gallo
de Adolphe Orain ( 1834 – 1918 )