jeudi 19 mai 2016

La bouture ... poème de Sully Prudhomme


" Quand vous devenez pessimiste,
regardez une rose."

Albert Samain
( 1858-1900)



Au temps où les plaines sont vertes,
Où le ciel dore les chemins,
Où la grâce des fleurs ouvertes
Tente les lèvres et les mains,

Au mois de mai, sur sa fenêtre,
Un jeune homme avait un rosier ;
Il y laissait les roses naître
Sans les voir ni s'en soucier ;

Et les femmes qui d'aventure
Passaient près du bel arbrisseau,
En se jouant, pour leur ceinture
Pillaient les fleurs du jouvenceau.

Sous leurs doigts, d'un précoce automne
Mourait l'arbuste dévasté ;
Il perdit toute sa couronne,
Et la fenêtre sa gaîté ;

Si bien qu'un jour, de porte en porte,
Le jeune homme frappa, criant :
"Qu'une de vous me la rapporte,
La fleur qu'elle a prise en riant !"

Mais les portes demeuraient closes.
Une à la fin pourtant s'ouvrit :
"Ah ! Viens, dit en montrant des roses
Une vierge qui lui sourit ;

"Je n'ai rien pris pour ma parure ;
Mais sauvant le dernier rameau,
Vois ! J'en ai fait cette bouture,
Pour te le rendre un jour plus beau."

René-François SULLY  PRUDHOMME 
 (1839-1907)

Sully Prudhomme  poète et philosophe, Prix Nobel de littérature en 1901, homme pudique, aux délicatesses légendaires nous a livré dans son Journal intime de très belles Pensées, que je prends plaisir à relire de temps à autre.  




vendredi 6 mai 2016

Il étaient quatre petits renardeaux.... avec un poème " le petit renardeau " de Maurice Rollinat


Ils étaient quatre, quatre petits renardeaux, en ce jeudi de l'Ascension, venus s'ébattre dans mon jardin. Une surprise bien agréable. Mais d'où venaient-ils ? Je ne le sais !
Encore trop petits, les parents ne devaient pas être bien loin, mais ne se montrèrent pas.
J'eus le temps de les photographier derrière mes vitres, n'osant sortir de crainte qu'en me voyant il ne s'échappent.
Si je me suis amusée de leurs jeux, je n'ose plus laisser ma porte-fenêtre ouverte, en mon absence de la pièce, de peur de les retrouver dans ma maison. 
Celui-ci m'observait, à moins qu'il ne posait pour la photo.
Prima



Au bord de l’étang, le petit renardeau
Suit à pas de loup sa mère la renarde,
Qui s’en va guettant, sournoise et goguenarde,
Le canard sauvage ou bien la poule d’eau.

— Des nuages bruns couvrent d’un noir bandeau
Le soleil sanglant que l’âpre nuit poignarde.
Au bord de l’étang, le petit renardeau
Suit à pas de loup sa mère la renarde.

Sur un bois flottant qui lui sert de radeau,
Soudain la rôdeuse en tremblant se hasarde ;
Et moi, curieux et ravi, je regarde,
Caché par les joncs comme par un rideau,
Au bord de l’étang le petit renardeau.

Maurice Rollinat ( 1846 – 1903 )