lundi 9 novembre 2015

Grèves normandes.... poème de André Lemoyne

Plus Normande que Bretonne par ma naissance, depuis bien des générations, j’ai souvent chanté la Bretagne et l'Italie  en oubliant la Normandie… pourtant ce fut mon enfance, mon adolescence dans des années difficiles.
Le Mont Saint-Michel est lui aussi normand de par le caprice du Couesnon, cette rivière qui «  dans sa folie mis le Mont en Normandie »…

Il y a fort longtemps rentrant de l’école une de mes filles me dit «  Tu es Normande, donc tu descends des barbares », pas tout à fait, lui ai-je dit, ayant eu une grand-mère bretonne !
Quant aux Vikings, avant d’être les guerriers que nous connaissons au travers de lectures ou de films, ils furent de vaillants navigateurs, des marchands et des artisans…
Je descends donc de ces peuples nordiques qui conquirent cette région si verdoyante qu’est devenue la Normandie par le traité de Saint-Clair-sur-Epte, conclu en 911…
Prima


                                                                                             À Alphonse Lemerre.

Ce soir, la pleine lune éclaire notre monde.
De l’abîme des flots elle sort large et ronde.
Presque au ras de la mer, elle est rouge d’abord ;
Mais son orbe jaunit, et la grande marée
Dans son rayonnement monte en houle dorée,
Et roule ses lueurs jusqu’aux  grèves du bord.

On voit comme en plein jour sur la courbe des plages
Les dernières maisons des bourgs et des villages,
Villages de marins et de pêcheurs normands.
Les enfants sont couchés dans le charme des rêves :
Ce long bruit cadencé du flot qui bat ses grèves
Semble un chant de berceuse aux chers petits dormants

Un vent tout parfumé m’apporte des prairies,
Où les reines des prés restent longtemps fleuries,
Quelque chose à la fois de suave et d’amer ;
Tandis qu’un grand troupeau, débouchant des vallées,
Mêle une odeur d’étable aux effluves salées
Qui montent, jour et nuit, des embruns de la mer.

J’aime à vous retrouver, grèves de Normandie,
Où travaille une race âpre au gain, mais hardie.
Fille des conquérants qui vinrent les premiers,
Sous les pommiers en fleurs que le roi Charlemagne
Avait plantés pour eux en revenant d’Espagne,
Se faire un paradis au pays des pommiers.


André Lemoyne  ( 1822 – 1907 )
Recueil : Les Roses d’antan