samedi 5 décembre 2015

Magie de la nature poème de Maurice Rollinat



" Pour comprendre la nature, il faut l'aimer, et pour l'aimer, il faut être initié à son langage."

Citation de Jules Claretie ;
La libre parole (1868)


Béant, je regardais du seuil d'une chaumière
De grands sites muets, mobiles et changeants,
Qui, sous de frais glacis d'ambre, d'or et d'argent,
Vivaient un infini d'espace et de lumière.

C'étaient des fleuves blancs, des montagnes mystiques.
Des rocs pâmés de gloire et de solennité,
Des chaos engendrant de leur obscurité
Des éblouissements de forêts élastiques.
  
Je contemplais, noyé d'extase, oubliant tout,
Lorsqu'ainsi qu'une rose énorme, tout à coup,
La Lune, y surgissant, fleurit ces paysages.

Un tel charme à ce point m'avait donc captivé
Que j'avais bu des yeux, comme un aspect rêvé,
               La simple vision du ciel et des nuages ! 

Maurice ROLLINAT   (1846-1903)








lundi 9 novembre 2015

Grèves normandes.... poème de André Lemoyne

Plus Normande que Bretonne par ma naissance, depuis bien des générations, j’ai souvent chanté la Bretagne et l'Italie  en oubliant la Normandie… pourtant ce fut mon enfance, mon adolescence dans des années difficiles.
Le Mont Saint-Michel est lui aussi normand de par le caprice du Couesnon, cette rivière qui «  dans sa folie mis le Mont en Normandie »…

Il y a fort longtemps rentrant de l’école une de mes filles me dit «  Tu es Normande, donc tu descends des barbares », pas tout à fait, lui ai-je dit, ayant eu une grand-mère bretonne !
Quant aux Vikings, avant d’être les guerriers que nous connaissons au travers de lectures ou de films, ils furent de vaillants navigateurs, des marchands et des artisans…
Je descends donc de ces peuples nordiques qui conquirent cette région si verdoyante qu’est devenue la Normandie par le traité de Saint-Clair-sur-Epte, conclu en 911…
Prima


                                                                                             À Alphonse Lemerre.

Ce soir, la pleine lune éclaire notre monde.
De l’abîme des flots elle sort large et ronde.
Presque au ras de la mer, elle est rouge d’abord ;
Mais son orbe jaunit, et la grande marée
Dans son rayonnement monte en houle dorée,
Et roule ses lueurs jusqu’aux  grèves du bord.

On voit comme en plein jour sur la courbe des plages
Les dernières maisons des bourgs et des villages,
Villages de marins et de pêcheurs normands.
Les enfants sont couchés dans le charme des rêves :
Ce long bruit cadencé du flot qui bat ses grèves
Semble un chant de berceuse aux chers petits dormants

Un vent tout parfumé m’apporte des prairies,
Où les reines des prés restent longtemps fleuries,
Quelque chose à la fois de suave et d’amer ;
Tandis qu’un grand troupeau, débouchant des vallées,
Mêle une odeur d’étable aux effluves salées
Qui montent, jour et nuit, des embruns de la mer.

J’aime à vous retrouver, grèves de Normandie,
Où travaille une race âpre au gain, mais hardie.
Fille des conquérants qui vinrent les premiers,
Sous les pommiers en fleurs que le roi Charlemagne
Avait plantés pour eux en revenant d’Espagne,
Se faire un paradis au pays des pommiers.


André Lemoyne  ( 1822 – 1907 )
Recueil : Les Roses d’antan




                               


samedi 31 octobre 2015

4 - Retour vers la Normandie.... Colleville sur Mer ... ___ ... ." Souviens-toi d'Ohama " . ... ___


Installée au centre du mémorial, une statue en bronze de 7 mètres de hauteur symbolise 
" L'Esprit de la jeunesse américaine s'élevant des flots "


C’est à Colleville-sur-Mer que s’est achevé ces 48 heures en Normandie… une sorte de « pèlerinage » m’a dit un ami, peut-être ?.... un retour sur un passé, oui certainement, comme beaucoup d’enfants ayant vécu cette époque, je n’ai jamais oublié cet été 44.
La guerre ce n’est pas un jeu de stratégie devant un écran d’ordinateur, la guerre ça fait des milliers de victimes voire des millions de morts, tant militaires que civiles.  


Malheureusement il se trouvera toujours un illuminé sur notre planète, voulant conquérir et asservir le monde, que ce soit au nom d’une soi-disant supériorité raciale ou religieuse.
Prima


« Il n’y eut pas de héros
Tous furent héroïques ces jours épiques
Souviens-toi
C’est peu dire qu’il fut élevé
Le prix de notre Liberté
À l’heure des premiers combats

L’écume est rouge, plus rien ne bouge
Le vent emporte Outre Atlantique
Les âmes des enfants d’Amérique
Souviens-toi
Et le soleil réchauffe parfois
Leurs vingt ans qui dorment aujourd’hui
Face à la mer en Normandie  »

Jean Goujon
Extrait du poème «  Souviens-toi d’Ohama  »


Billets précédents : Retour vers la Normandie

1 - Le Mémorial de Caen
2 -  Le Centre Juno Beach à Courseulles-sur-Mer
3 -  Arromanches : le port artificiel

samedi 24 octobre 2015

3 - Retour vers la Normandie.... Arromanches - Le port artificiel

Caen, Ouistreham, Courseulles….. il doit être un peu plus de midi quand nous arrivons à Arromanches, nous pensions y faire un très court arrêt avant de repartir vers Colleville sur Mer et la Pointe du Hoc. Après nous être restaurées dans un petit restaurant très sympathique et discuter avec la restauratrice elle nous a conseillé de visiter le musée, ce que nous fîmes sachant que nous serons dans l’obligation d’annuler une, voire deux visites, le temps passant trop vite. La visite du musée d'Arromanches fut technique, un peu trop technique pour moi, mais je ne pouvais qu'être admirative de cette prouesse technique voulue par Churchill.
Prima

« Puisque nous ne disposerons pas de ports, nous apporterons les nôtres. »
Lord Mountbatten

Assemblage du port artificiel d'Arromanches. Le port artificiel d'Arromanches se composait de caissons Phoenix, de quais de déchargement et de chaussées flottantes oscillant avec la marée.
Les premiers caissons furent  coulés le 8 juin au large d’Arromanches pour former une vaste rade artificielle et de vieux navires  furent coulés pour compléter la digue.

***

Reconstitution en images de synthèse du port d'Arromanches en 1944

***
Il ne reste aujourd’hui de ce port artificiel  que  quelques caissons  visibles sur la plage, et au loin  en mer.  Ils disparaissent d’années en années au fil des marées.





«  Je vois comme des ombres blanches
Descendre sur Arromanches
Et des milliers de bateaux
Sans bruit, au milieu des flots
J’entends, surgis de la brume
Des chants roulés sur l’écume
Quelques notes de liberté
L’espoir revenait »

Jean Goujon
Les Chemins de la Liberté


( à suivre )

Billets précédents : Retour vers la Normandie

1 - Le Mémorial de Caen
2 -  Le Centre Juno Beach à Courseulles-sur-Mer



samedi 10 octobre 2015

2 - Retour vers la Normandie.... Le Centre Juno Beach à Courseulles-sur-Mer.

Nous avons quitté Caen pour Ouistreham où nous avons passé la nuit avant de repartir vers Courseulles-sur-Mer en longeant la côte, une côte normande que je connaissais bien y allant en promenade ou en vacances dans mon adolescence, puis jeune mariée quand je voulus faire découvrir la Normandie à mon mari… Luc-sur-Mer, Hermanville-sur-Mer… que de souvenirs ressurgirent en longeant ces plages ! Prima



Ouvert depuis 2003, le Centre Juno Beach est situé face à la plage de Courseulles-sur-Mer.
Espace de mémoire et de découverte nous y sommes accueillis par de jeunes Canadiens, ce fut deux jeunes filles très agréables qui nous accueillirent.
Conçu par l’architecte canadien Brian K. Chamberlain, les lignes architecturales font écho à l’Ordre du Canada et rappellent la feuille d’érable, emblème du pays.

Les kiosques des donateurs sur lesquels, en hommage,
sont gravés le noms des combattants.

Un film de 12 mns  " Dans Leurs Pas "  réalisé à partir de films d'archives de la Seconde Guerre mondiale m'a fortement émue... Le 6 juin 1944, 14 000 Canadiens participèrent au Débarquement allié en Normandie,  Pendant la campagne de Normandie, les Forces armées canadiennes déplorèrent 5 500 victimes, dont 359 Canadiens tués le premier jour sur la plage Juno.
Dans ce film ces jeunes gens, sur les barges de débarquement, ont parfois le sourire, la Normandie est pour certains la terre de leurs ancêtres. 
Au cours de la visite du Centre, je devais apprendre que certains de ces soldats débarquèrent sur la plage avec des vélos... assez insolite !




Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le Canada a perdu plus de 45.000 de ses fils.


Ils ne vieilliront pas comme nous
qui leur avons survécu.
Ils ne connaîtront jamais l’outrage
ni le poids des années.
Quand viendra l’heure du crépuscule
et celle de l’aurore,
Nous nous souviendrons d’eux.

Laurence Binyon


Bernières-sur- Mer, la première maison libérée par les Canadiens.

( à suivre )

Billet précédent : Retour vers la Normandie _ Le Mémorial de Caen







mercredi 30 septembre 2015

1 - Retour vers la Normandie…. Visite au Mémorial de Caen.


"La douleur m’a brisée, la fraternité m’a relevée, de ma blessure a jailli un fleuve de liberté "

Texte de Paul Dorey, poète de Caen qui s'exprime au nom de la Normandie, gravé sur les murs d’entrée du Mémorial.


Le parvis d'accès au musée bordé d'un côté par douze mâts portant les drapeaux des douze pays impliqués dans la Bataille de Normandie.

Quand je quittais la Normandie en 1959, ma petite ville en Suisse Normande à 46 kms au sud de Caen, n’avait pas achevé sa reconstruction.
Quant au Mémorial de Caen,  inauguré en 1988, j’avais toujours exprimé le désir de le voir, ce fut le cadeau  pour mes quatre fois 20 ans... Un week-end un peu court, car le parcours de ce musée, à lui seul étant très long, nous dûmes abréger, car il nous fallait poursuivre sur la côte …..
 Ce musée retrace les pages douloureuses de l’Histoire du 20éme siècle, depuis le traité de Versailles en 1918 à la chute du Mur de Berlin en 1989.
Mémorial tourné vers la paix, la réconciliation, et l’espérance. Un musée qui ne peut laisser indifférent, alors que notre monde aujourd’hui se porte si mal. Prima

Les Chemins de la Liberté  ( extraits )

La Normandie
Une prairie au cœur du monde
Un peu de pluie
Mais tant de paix qui nous inonde
S’il pleut chez nous si souvent
Est-ce pour effacer le sang
Que des soldats ont versé
Il y a longtemps !

Les Chemins de la Liberté
Sont repartis de Normandie
Un jour de juin avant l’été
Déluge de fer, de feu, de vies
Mais aujourd’hui en temps de paix
Que les pays réconciliés
Se souviennent des sacrifices
Pour que l’Europe enfin existe

Jean Goujon




( à suivre )









lundi 31 août 2015

Rentrée ... avec Automne, poème de René Guy Cadou


 « La poésie n'est rien que ce grand élan qui nous transporte vers les choses usuelles, usuelles comme le ciel qui nous déborde. »


René-Guy Cadou, 
dans Usage interne (1951)

******
«  Je ne conçois pas de poésie sans un miracle d’humilité à la base  » 

René-Guy Cadou

En pensant à Tom qui demain va reprendre le chemin de l'école maternelle dans un nouvel environnement.



Odeur des pluies de mon enfance,
Derniers soleils de la saison !
À sept ans, comme il faisait bon,
Après d'ennuyeuses vacances
Se retrouver dans sa maison !

La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées
Sentait l'encre, le bois, la craie
Et ces merveilleuses poussières
Amassées par tout un été !

Ô temps charmants des brumes douces,
Des gibiers, des longs vols d'oiseaux,
Le vent souffle sous le préau,
Mais je tiens entre paume et pouce

Une rouge pomme à couteau !

René-Guy Cadou

*******
Instituteur poète, né en 1920, à Sainte-Reine-de-Bretagne ( Loire-Atlantique ) René-Guy Cadou rejoindra Jean Bouhier en 1941 qui venait de créer l’Ecole de Rochefort. À sa mort en 1951, il laissera une œuvre considérable. Une trentaine de poète furent publiés sous le sigle «  Rochefort »






samedi 8 août 2015

La coccinelle.... Poème de Victor Hugo



Après une interruption d’un mois, je reviens vers vous avec un nouveau Windows, le 10 offert gracieusement en téléchargement par Microsoft et un poème tout en légèreté de Victoe Hugo ... La coccinelle.
Porte bonheur cet insecte est aussi appelé " bête à bon dieu "
Prima





Elle me dit : «  Quelque chose
Me tourmente. » Et j'aperçus
Son cou de neige, et, dessus,
Un petit insecte rose.

J'aurais dû - mais, sage ou fou,
A seize ans on est farouche,-
Voir le baiser sur sa bouche
Plus que l'insecte à son cou.

On eût dit un coquillage ;
Dos rose et taché de noir.
Les fauvettes pour nous voir
Se penchaient dans le feuillage.

Sa bouche fraîche était là :
Je me courbai sur la belle,
Et je pris la coccinelle ;
Mais le baiser s'envola.

«  Fils, apprends comme on me nomme »,
Dit l'insecte du ciel bleu,
« Les bêtes sont au bon Dieu,
Mais la bêtise est à l'homme.»

Paris, mai 1830
Recueil : Les Contemplations

Victor Hugo ( 1802 – 1885 )






mercredi 8 juillet 2015

La marine à voiles ... poème de Raymond Queneau


Le Tenacious, 
magnifique trois mâts
devant 
les remparts de Saint-Malo.
( avril 2008 )


" Être en vacances,
c'est n'avoir rien à faire
et
avoir toute la journée pour le faire."
                              Robert Orban, écrivain

L'Etoile du Roy et la Boudeuse dans le port de Saint-Malo

Après avoir descendu tout le long le long du mât de misaine
et salué le petit cacatois, le petit perroquet, le petit volant et le petit hunier
le marin de terre sèche salue le bon vieux dictionnaire
qui lui donne l'image du voilier trois-mâts avec ses principaux agrès
il s'embarque avec son sac et se présente au capitaine
le voilà médecin de bord ( pourquoi pas ) pendant cette traversée
on fera le tour du monde en longeant les terres lointaines
on verra souffler les blanches baleines
et l'on reviendra en se promenant à travers l'Océanie
on restera si l'on ne sombre au moins trois ans partis
au retour on trouvera les enfants grandis
regardant avec joie dans leur dictionnaire
la figure majestueuse du voilier trois-mâts avec ses principaux agrès
           
                    Raymond Queneau (  1903 - 1976 )
              [  Fendre les flots ]



Le port de Saint-Cast







dimanche 14 juin 2015

Le Fou des Fleurs.... légende chinoise _ Poème de Li Po : La neige ne charge plus les branches de l'abricotier ....



"Si tu veux être heureux une heure, bois un verre ;
Si tu veux être heureux un jour, marie-toi ;
Si tu veux être heureux toute ta vie, fais-toi jardinier."


             Proverbe chinois



" Sous la dynastie des Song, au sud du fleuve Yangtsé, non loin du village Joie Eternelle... "  ainsi commence la légende du Fou des Fleurs... son jardin était très renommé, il y avait en son jardin toutes les espèces de pivoines , une quarantaine de variétés , à fleurs simples ou doubles...
" Certaines étaient aussi larges que des soucoupes, portaient des noms poétiques comme Pavillon de Jade, Pavillon Emeraude, Pulpe de Pastèque, Lion Noir Dansant, Tête de Dragon Rouge ... " 

Je ne vais point conter toute la légende, ce serait un peu long, ....

C'est donc  l'histoire d'un vieux jardinier qui éleve ses fleurs comme ses propres filles avec beaucoup d'amour ... mais un jeune seigneur qui passe par là ,avec ses compagnons de boisson, dévaste son jardin..... C'est compter sans la Déesse des Fleurs....

"Soudain sous les yeux ébahis des villageois,le jardin et la 
chaumière du vieillard qui avait rajeuni se détachèrent du sol. Sur son tapis volant de brocart parfumé, le Fou des Fleurs traversa les nuages de ce monde impermanent pour entrer dans les vergers célestes "  Prima
"


La neige ne charge plus les branches
de l'abricotier ;
Le souffle du printemps renaît parmi
les rameaux du saule.
Les chants amoureux de l'oiseau yng
portent l'ivresse dans les sens ;
L'hirondelle est de retour et voltige
au bord des toits,
en poussant son petit cri ;
C'est le temps des longs jours,
c'est le temps où le soleil
éclaire la natte des joyeux convives ;
C'est le temps où les fleurs nouvellement
écloses
et danseuses élégamment parées se font
valoir mutuellement....

Sur les bords du Jo-yeh, les jeunes filles
cueillent la fleur du nényphar.
Des touffes de fleurs et de feuilles
les séparent ;
Elles rient et, sans se voir , échangent
de gais propos ;
Un brillant soleil reflète au fond de l’eau
leurs coquettes parures ;
Le vent, qui se parfume dans leurs
Manche, en soulève le tissu léger….

Li Po  ( 701 - 762 )
Poème extrait  de la légende


«  Le Fou des Fleurs  »

de Karl  Bang