mercredi 15 avril 2015

Le Voyage … poème de Charles Baudelaire ( extrait )

« Il n’y a d’homme plus complet que celui qui a beaucoup voyagé, qui a changé vingt fois la forme de sa pensée et de sa vie. »

Alphonse de Lamartine
( 1790 – 1869 )

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Peinture de Claude Thébergé
Le voyage imaginaire



de Claude  Thébergé


A Maxime Du Camp.
                          1-
Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !

Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :

Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !

  ( .... )

 Charles Baudelaire ( 1821 - 1867 )

Le grand large de Claude Thébergé






vendredi 3 avril 2015

Le Printemps .... poème de Georges de Scudéry




" À l'entrée du jardin
fleurit le blanc 
d'un camélia "

Ueshima Onitsura
( 1661 - 1738 )



Rose et non blanc est mon camélia !

Lorsqu'en février apparaissent ses premiers boutons et début mars ses premières fleurs je sais que le printemps n'est pas bien loin. Magnifique bouquet, toutefois si fragile sous la pluie et le vent de ces derniers jours. Prima 




Enfin la belle Aurore, a tant versé de pleurs,
Que l'aimable Printemps nous fait revoir ses charmes ;
Il peint en sa faveur, les herbes et les fleurs,
Et tout ce riche Émail, est l'effet de ses larmes.

Cibèle que l'Hiver accablait de douleurs,
Et qui souffrait des vents les insolents vacarmes ;
Mêle parmi ses Tours, les plus vives couleurs,
Et triomphe à la fin par ces brillantes Armes.

Les Roses et les Lis, d'un merveilleux éclat,
Confondent la blancheur, au beau lustre incarnat ;
La Tulipe changeante, étale sa peinture :

Le Narcisse agréable, à l'Anémone est joint ;
Bref, tout se rajeunit ; tout change en la Nature ;
Mais superbe Philis, mon sort ne change point.

Georges de Scudéry  (  1601 – 1667 )

 
Né au Havre, en 1601, mort à Paris en 1667, Georges de Scudéry fut officier et gouverneur du fort de Notre-Dame de la Garde, forteresse située près de Marseille. Il fut aussi un des familiers de l’hôtel de Rambouillet et collabora à « La  Guirlande de Julie » recueil de 62 madrigaux écrits par les plus grands noms de la poésie française de l’époque qui fréquentaient le salon de Catherine de Vivonne marquise de Rambouillet. Il fut élu à l'Académie française en 1650.