mercredi 27 novembre 2013

Les marins poème de Xavier Grall

Né à Landivisiau le 22 juin 1930, Xavier Grall est un journaliste, poète et écrivain breton.
Son œuvre mystique magnifie la Bretagne. Xavier Grall « redevient breton » lorsqu'il quitte Paris en 1973, pour retourner définitivement dans la région de Pont-Aven, à Nizon, dans la ferme de Bossulan. 
Epuisé par un longue maladie pulmonaire, Xavier Grall meurt le 11 décembre 1981 à Quimperlé.





Les vieux de chez moi ont des îles dans les yeux
Leurs mains crevassées par les chasses marines
Et les veines éclatées de leurs pupilles bleues
Portent les songes des frêles brigantines

Les vieux de chez moi sont fils de naufrageurs
Leurs cranes pensifs roulent des trésors inouïs
Des voiliers brisés dans les goémons rageurs
Et luisent leurs regards comme des louis

Les vieux de chez moi n’attendent plus rien de la vie
Ils ont jeté les ans, le harpon et la nasse
Mangé la cotriade et siroté l’eau de vie
La mort peut les prendre, noire comme pinasse

Les vieux ne bougeront pas sur le banc fatigué
Observant le port, le jardin, l’hortensia
Ils diront simplement aux Janies, aux Marias
"Adieu, les Belles, c’est le branle-bas"

Et les femmes des marins fermeront leurs volets.


                                             Xavier Grall  ( 1930 - 1981 )



samedi 16 novembre 2013

J'ai cueilli cette fleur pour toi sur la colline ... poème de Victor Hugo


Où se trouvait donc notre illustre poète, lorsqu'il écrivit le poème qui suit ?... à Boulay-bay ou sur l'île de Serk ? Je lis dans mon recueil de poème :

Il a été conservé une copie de ce poème dédié à Juliette  Drouet, pour laquelle il a été écrit, et datée de " Boulay-bay, 28 août 1852 "

Boulay-bay est situé sur la côte nord de Jersey, Victor Hugo y a fait plusieurs excursions en ce mois d'août 1852; et il est allé aussi dans l'île de Serk en juillet 1853 et en 1854... ( relevé dans les notes sur  " Les Contemplations " édité chez Gallimard. Prima


Petit bouquet de fleurs sur les rochers à la pointe du Décollé à Dinard ( Ille et Vilaine )


J'ai cueilli cette fleur pour toi sur la colline.
Dans l'âpre escarpement qui sur le flot s'incline,
Que l'aigle connaît seul et seul peut approcher,
Paisible, elle croissait aux fentes du rocher.
L'ombre baignait les flancs du morne promontoire ;
Je voyais, comme on dresse au lieu d'une victoire
Un grand arc de triomphe éclatant et vermeil,
À l'endroit où s'était englouti le soleil,
La sombre nuit bâtir un porche de nuées.
Des voiles s'enfuyaient, au loin diminuées ;
Quelques toits, s'éclairant au fond d'un entonnoir,
Semblaient craindre de luire et de se laisser voir.
J'ai cueilli cette fleur pour toi, ma bien-aimée.
Elle est pâle, et n'a pas de corolle embaumée,
Sa racine n'a pris sur la crête des monts
Que l'amère senteur des glauques goémons ;
Moi, j'ai dit: Pauvre fleur, du haut de cette cime,
Tu devais t'en aller dans cet immense abîme
Où l'algue et le nuage et les voiles s'en vont.
Va mourir sur un coeur, abîme plus profond.
Fane-toi sur ce sein en qui palpite un monde.
Le ciel, qui te créa pour t'effeuiller dans l'onde,
Te fit pour l'océan, je te donne à l'amour. -
Le vent mêlait les flots; il ne restait du jour
Qu'une vague lueur, lentement effacée.
Oh! comme j'étais triste au fond de ma pensée
Tandis que je songeais, et que le gouffre noir
M'entrait dans l'âme avec tous les frissons du soir !


                                           Victor Hugo ( 1802 - 1885 )

                                   Île de Serk, août 1855






lundi 11 novembre 2013

L'appel de la mer tu l'entends .... de François Cheng

François Cheng, est né en 1929. à Nanchang ( Chine ) .
Après des études  universitaires à Nankin, il s'installe définitivement en France en 1949. Etudiant à la Sorbonne et à l'Ecole pratique deHautes Etudes il occupera une chaire de professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales.
Il traduira de nombreux poètes français,dont Victor Hugo.
François Cheng obtiendra le Grand Prix de la francophonie en 2001, et sera élu en 2002 à l'Académie française.
J'ai lu quelques uns de ses poèmes dans le recueil " À l'orient de tout " , je les ais aimés.
Prima

La pointe du Grouin à Cancale ( Ille et Vilaine )


L'appel de la mer
            tu l'entends
L'appel de la lune
           tu l'entends

Longue plainte lumineuse
Sillonnant la surface mouvante
Depuis l'extrême bord
            jusqu'à tes pieds

Toi Eucaplyptus
Tu ne perds rien
           du clair de lune
Qui caresse qui entaille
Le corps de la mer
           rompu jusqu'aux entrailles

Tu es celle qui attend
Es-tu celle qu'on attend
Tu reprends
Feuille à feuille
           branche à branche
Le cantique des épousailles

D'un coup libéré de l'écorce
           flanc nu gonflé de lait
           chevelure ruisselante de larmes
Tu renais soudain à toi
Tu renais enfin à toi

En toi s'achève
           la voix nocturne
Quand tu exultes
           à ton nom propre
Eu-ca-lyp-tus !
           éclats de lune
Sans fin mêlés
           au chant des vagues...


                         François Cheng ( 1929 -      )

La pointe du Grouin , Cancale